Place tahrir .
A Alexandrie, la concurrence s’enflamme entre les candidats,
alors que les islamistes occupent le devant de la scène.
Les indépendants à la traîne
Alexandrie,
De notre correspondante —
Deuxième
ville d’Egypte, Alexandrie, forte de 6 circonscriptions
électorales, devra élire 16 députés parmi les candidats en
lice pour les élections législatives prévues à la fin du
mois. Parmi ces derniers, 402 candidats disputent les
élections dans 4 circonscriptions où le vote sera conduit
suivant le système uninominal, alors que les autres
candidats sont répartis sur une trentaine de listes, un
système qui sera adopté dans les 2 autres circonscriptions
de la ville.
Une atmosphère de marathon électoral règne dans la ville du
littoral : les places et parcs publics sont transformés en
arènes politiques arborant des bannières de toutes sortes.
La place du « soldat inconnu » sur la corniche de Manchiya
préserve sa réputation classique qui en fait une tribune
électorale des plus importantes. Une autre place, celle d’Al-Qaëd
Ibrahim, à la station Al-Raml, célèbre comme foyer de
manifestations lors de la révolution du 25 janvier, a
également servi d’emplacement stratégique pour la campagne.
Si, pour beaucoup de candidats, les bannières sont le moyen
le plus courant de se présenter aux électeurs, certains
courants politiques ont fait preuve de plus de zèle. Les
candidats du parti Liberté et justice, issu des Frères
musulmans, a commencé à courtiser les habitants des
quartiers Sidi Bichr et Montazah avant même le début
officiel de la campagne électorale.
Leurs « marchés de bienfaisance » où l’on trouvait à prix
avantageux denrées alimentaires et vêtements se sont
multipliés depuis la fête du grand Baïram, allant de paire
avec les conférences, rassemblements et autres
manifestations destinés à mobiliser derrière eux le maximum
d’Alexandrins.
« Nos candidats figurent sur presque toutes les listes
électorales d’Alexandrie. Nous sommes sûrs de récolter un
nombre important de votes, comme d’habitude », assure Hamdi
Hassan, candidat issu des Frères pour la circonscription
Ouest. Hassan assure que les électeurs alexandrins font
confiance aux islamistes. « Ceci a été aussi clair lors des
élections 2000 et de 2005 », rappelle-t-il.
Relativement au programme de son parti, il insiste sur le
rôle de contrôle des députés. « A côté de notre travail
social qu’on exerce au sein de la société, notre rôle au
prochain Parlement sera de contrôler la performance du
gouvernement en ce qui concerne son propre programme »,
souligne-t-il.
Pour les salafistes, leur parti Al-Nour opère à travers une
vingtaine de centres de campagne, des bureaux aménagés dans
les quartiers les plus huppés de la ville, suscitant déjà
plus d’un point d’interrogation sur leurs sources de
financement. Ils sont notamment populaires dans les
quartiers Ras Al-Souda et Al-Mandarah, à l’est d’Alexandrie.
Eux non plus ne sont pas en manque d’innovation dans leur
campagne : ils ont choisi de se rendre visibles à travers
des activités utiles comme l’organisation de la circulation
routière dans les endroits connus pour les embouteillages,
ainsi qu’au travers des services de santé et des cours
privés dispensés à domicile dans les quartiers les plus
pauvres. Le tout sans oublier les conférences et meetings
politiques pour expliquer leurs programmes et objectifs
politiques.
Tradition islamiste
« La ville d’Alexandrie est connue pour abriter de nombreux
courants islamistes. C’est notamment la ville natale du
courant salafiste apparu dans les années 1970. Alexandrie
était également la province de prédilection de Hassan
Al-Banna, fondateur des Frères musulmans dans les années
1930. Alexandrie a donc été choisie comme base politique à
partir de laquelle ces courants se sont propagés à travers
l’Egypte », explique le chercheur Ammar Ali Hassan.
Dans cet esprit de complicité, les candidats indépendants
sont un peu dépaysés. « La division récente d’Alexandrie en
6 circonscriptions au lieu de 11 a rendu la tâche beaucoup
plus difficile pour les indépendants, notamment pour ceux
qui, comme moi, ne possèdent pas beaucoup d’argent à
investir dans leur campagne », se plaint Galal Al-Zenati,
jeune candidat.
Sur un échiquier dominé par les alliances, la situation des
indépendants qui disposent de l’argent nécessaire n’est pas
très différente. Le cas de Zenati ressemble plus ou moins à
celui d’un autre candidat indépendant, Tareq Talaat Mostafa,
un ancien de l’ex-parti au pouvoir et frère du magnat de
l’immobilier Hicham Mostafa, qui purge une peine de 15 ans
de prison pour incitation au meurtre. Candidat dans la
circonscription d’Al-Raml, Tareq Mostafa est le seul à
n’avoir organisé aucun rassemblement politique.
Il se contente de multiplier les banderoles, et plus
récemment, il a utilisé ses camions privés pour collecter
les ordures dans les quartiers démunis. Son principal
concurrent, l’ancien magistrat Mahmoud Al-Khodeiri, n’est
pas officiellement islamiste, mais est soutenu par ces
derniers. Suite à un accord tacite, les Frères se sont
retirés pour lui donner un avantage face à l’homme
d’affaires.
« Je ne veux plus entendre de slogans politiques. Ce qui
m’intéresse aujourd’hui, c’est de pouvoir joindre les deux
bouts. Je voterai sans doute pour le candidat susceptible de
m’apporter une aide ou un service », reconnaît Iman Al-Achri,
mère de famille, résumant une logique répandue .
Samar
Zarée