Place tahrir .
Ce document continue à susciter les critiques de nombreuses
forces politiques. Il semble à présent sans la moindre
valeur.
La charte honnie des principes constitutionnels
La mise en place d’une charte de principes constitutionnels
ou d’une charte d’honneur, faisant l’objet d’un consensus
entre les forces politiques-clés, trébuche toujours. Pour le
vice-premier ministre, Dr Ali Al-Sélmi, la manifestation de
vendredi dernier, dans laquelle les islamistes ont tenu le
haut du pavé à la place Tahrir, a porté atteinte à la charte
qu’il tente de faire passer. La charte d’Al-Sélmi n’est pas
la dernière en date. Elle a été précédée par d’autres
chartes signées par plusieurs forces politiques. Il existe
aussi la charte d’Al-Azhar décrétée par cette institution.
La coalition démocratique pour l’Egypte réunissant les
Frères et le néo-Wafd en avait également proposé une en juin
dernier, comportant des principes qui ne sont pas tellement
différents de ceux proposés par les forces et des
personnalités libérales à l’exemple du Dr Mohamad ElBaradei.
Quel est donc le problème de la charte d’Al-Sélmi, et
pourquoi a-t-elle été rejetée par le courant islamiste mais
aussi par la gauche et certains libéraux ? Tout d’abord,
elle renferme des articles qui accordent à l’armée un statut
quasi indépendant au niveau des finances, de manière à ce
qu’elle ne soit pas soumise au contrôle parlementaire sur ce
point. Elle accorde également à l’armée le droit de décréter
des lois qui lui sont propres et lui fait porter l’habit de
« Protecteur de la légitimité constitutionnelle ». Mais ce
n’est pas tout, la charte a donné au Conseil militaire le
droit de s’opposer au projet de Constitution qui sera rédigé
par l’Assemblée constituante que le Parlement élu aura pour
mission de former.
Les courants, les partis islamistes, la Coalition de la
révolution continue et ceux du Bloc égyptien ainsi que
d’autres groupes ont refusé ces privilèges et ces
prérogatives accordés à l’institution militaire. Cependant,
cette charte a recueilli le consentement de certains partis
qui n’ont pas de véritable poids dans l’équation politique.
Ladite charte restreint les prérogatives du Parlement élu en
ce qui a trait à la composition de la commission
constituante chargée d’élaborer la Constitution. Selon la
charte, l’Assemblée du peuple sera représentée par 20
membres seulement, ceci dans une commission de 100 membres.
Alors que les 80 restants sont censés être des personnalités
de la société civile, des syndicalistes et des personnalités
issues d’institutions religieuses comme Al-Azhar et
l’Eglise. Les islamistes refusent toute restriction des
prérogatives du Parlement en ce qui a trait à la composition
de cette commission, d’autant plus que tous les pronostics
affirment qu’ils rafleront un grand nombre de sièges et
qu’ils domineront le Parlement. Si les choses vont dans ce
sens, ils seront en mesure de rédiger une Constitution qui
répond à leur désir, celui de bâtir un Etat appliquant la
charia.
Sur ce point, les islamistes divergent avec les forces
politiques « civiles ». Ces dernières refusent de donner
libre cours à la majorité parlementaire pour rédiger la
nouvelle Constitution et préfèrent pour cette mission des
personnalités en dehors du Parlement. La Constitution, selon
eux, doit être le fruit d’une entente ou d’un consensus
national plutôt que d’une majorité parlementaire.
Certains pensent qu’il faut absolument restreindre les
pouvoirs du Parlement en ce qui concerne la rédaction de la
charte, du fait qu’il représente l’un des 3 pouvoirs et
donc, il n’est pas convenable qu’il rédige une Constitution.
Bref, la Constitution doit être le reflet d’un large
consentement émanant des différentes forces politiques et
des différents groupes égyptiens.
S’il y a un refus de la charte d’Al-Sélmi de la part des
forces politiques, les raisons affichées par les divers
courants ne sont pas les mêmes.
La vive campagne menée contre la charte d’Al-Sélmi a amené
le gouvernement à faire un peu marche arrière. Il a annoncé
son intention d’amender les articles relatifs à l’armée de
manière à supprimer l’indépendance financière de
l’institution militaire et le droit de l’armée à être le
garant de la légitimité constitutionnelle. Le gouvernement a
également affirmé que la charte ne sera pas promulguée par
une déclaration constitutionnelle émanant du Conseil
militaire. Et donc, elle n’engagera que ses signataires et
sera uniquement d’ordre consultatif pour la nouvelle
Assemblée du peuple. Le texte final de la Constitution n’a
pas encore été rendu public, mais selon toutes les
prévisions, il le sera cette semaine. Vraisemblablement, la
charte qui verra le jour sera très faible et n’obtiendra
qu’un appui limité de certaines forces politiques. Plus
encore, elle n’aura pas de caractère contraignant, et elle
connaîtra le sort des dizaines d’autres chartes qui l’ont
précédée. L’institution militaire, si elle veut faire passer
les articles relatifs à l’armée, doit intervenir dans le
processus électoral de manière à favoriser les petits partis
qui lui sont proches, et qui ont été formés par de nombreux
tentacules du PND évincé. Ou bien elle se trouvera dans
l’obligation de continuer ses pressions sur la nouvelle
Assemblée élue, afin de faire passer les articles la
concernant. Quant aux forces civiles, qui voulaient la
charte pour arracher certains engagements au courant
islamiste au cas où ils domineraient le Parlement, elles ne
peuvent parier que sur un résultat satisfaisant qui leur
accorderait le tiers des sièges qui feront d’elles un bloc
incontournable dans la rédaction de la Constitution .
Samer
Soliman