« Non à l’industrie des poisons ! », « Fermez l’industrie de
la mort ! », « Sauvez Damiette ! ». La grogne des citoyens
contre l’usine d’engrais azotés se poursuit. Celle-ci
appartient à la société publique Misr Oil Processing Company
(MOPCo) et à la firme canadienne Agrium.
Les citoyens de la ville de Damiette se sont révoltés, le 7
novembre, contre les responsables, dans le but de fermer
l’usine qu’ils jugent responsable de lourds dégâts
environnementaux qui auraient des effets sur la santé des
habitants et du bétail. Il est cependant difficile de
connaître avec précision les responsables de la pollution
issue de plusieurs sources différentes.
La crise a commencé en 2008, quand la firme canadienne
Agrium se lance dans la construction d’une usine d’engrais
pour produire de l’urée à Ras Al-Bar. Des citoyens lancent
alors une campagne populaire contre la firme et le
gouvernement décide de transférer l’usine de Ras Al-Bar vers
la région industrielle du port de Damiette. Une solution
semblait avoir été trouvée.
Mais en février dernier, tout bascule à nouveau. Plusieurs
groupes sont créés sur Facebook dans le but de fermer
l’usine de Damiette.
Quel impact sur l’environnement ?
Au sein du complexe industriel de Damiette, il est difficile
de déterminer la part exacte de responsabilité de l’usine
d’engrais sur une éventuelle dégradation du milieu naturel.
Pour en savoir plus, le premier ministre, Essam Charaf, a
formé un « comité d’urgence » composé des ministres de
l’Environnement, du Pétrole, de la Santé ainsi que d’experts
et de personnes de la société civile.
Abdou Al-Bardawily, représentant la société civile de
Damiette au sein de ce comité, précise qu’il est formé de 18
personnes. Il comprend des professeurs de sciences des
Universités de Damiette et de Mansoura, des experts de
l’Agence Egyptienne pour les Affaires de l’Environnement (AEAE),
d’un représentant de l’ordre des Médecins, d’un journaliste
et de l’imam de la mosquée de Damiette.
Le comité, qui a travaillé pendant 70 jours, a demandé au
ministère de l’Environnement les résultats des mesures des
émissions d’ammoniac et d’oxyde de soufre et d’urée. Ces
émissions sont mesurées en continu depuis trois mois déjà à
travers le réseau de monitorage des cimenteries dépendant de
l’AEAE. D’une manière plus générale, ces émissions sont
mesurées dans le port de Damiette depuis décembre 2010.
Selon l’ingénieur Mahmoud Chawqi, chef du département
central de l’impact environnemental à l’AEAE et représentant
de l’agence au sein du comité scientifique, les taux de
pollution relevés sont inférieurs aux normes déterminées par
la loi sur l’environnement numéro 4 de l’année 1994. Des
normes qui peuvent cependant paraître aujourd’hui obsolètes.
« Nous avons prélevé des échantillons d’eau à l’intérieur et
à l’extérieur de l’usine. Ceux relevés à l’intérieur sont
conformes aux normes. Mais les taux de l’extérieur sont
élevés en DBO (Demande Biologique en Oxygène), et en DCO
(Demande Chimique en Oxygène) », indique Chawqi.
L’usine nécessite un système de refroidissement pompé dans
le réseau d’eau potable. L’eau usée est ensuite traitée au
sein de l’usine avant d’être versée dans le réseau
d’assainissement de Ras Al-Bar, qui reçoit quotidiennement 4
000 m3 d’eau en provenance de l’usine d’Agrium-MOPCo et 30
000 m3 en provenance de la ville de Ras Al-Bar.
Pressions populaires
Face aux manifestations, le comité a fini par imposer 13
mesures que l’usine doit appliquer au plus vite, ceci afin
d’apaiser l’opinion publique.
Parmi ces mesures figure la construction d’une seconde
station d’épuration pour traiter le drainage industriel d’un
coût de 50 millions de L.E. L’eau ainsi traitée pourra être
utilisée pour irriguer les cultures environnantes. Le comité
a également demandé à Agrium-MOPCo de construire une station
de dessalement de l’eau de mer, qui évitera à l’usine
d’utiliser l’eau potable. Cette économie permettra de
promouvoir l’agriculture autour de Damiette.
Les mesures exigent également l’installation de filtres afin
d’absorber l’ammoniac avant qu’il ne sorte de la cheminée de
l’usine. Une demande surprenante, car les tests n’ont pas
révélé un taux d’ammoniac élevé.
« Les demandes sont exagérées. Le comité souhaite l’utopie :
je ne suis pas sûr que la compagnie Agrium-MOPCo sera
capable de satisfaire ces demandes », commente Mahmoud
Chawqi
Medhat Youssef, directeur exécutif de l’usine Agrium-MOPCo,
critique le rapport du comité en se basant sur l’absence de
telles exigences dans la loi. « Notre usine respecte
l’environnement et ne pollue pas. Nous sommes prêts à
recevoir des inspecteurs des Nations-Unies et de
l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) », a-t-il déclaré
la semaine dernière.
L’ingénieur Mamdouh Hamza a déclaré qu’un comité tripartite
sera formé par la Suisse, l’Australie et la Norvège dans le
but d’étudier la situation environnementale des usines
situées dans le port de Damiette et de déterminer les
responsables de la pollution. Les usines polluantes devront
par la suite adopter des mesures, afin de réduire leur
impact néfaste sur l’environnement .
Dalia
Abdel-Salam