Photographie .
Nagui Al-Chennaoui présente les
figures d’un célèbre café d’intellectuels cairotes.
L’expression de toute une série d’existences ...
Zahret
Al-Bostane
Portraits
de la rue, de ses passants avec leurs expressions bigarrées,
allant du sourire à la figure hébétée, distraite, colérique
... C’est la vie, dit un spectateur de cette exposition de
Nagui Al-Chennaoui qui s’est
tenue à l’Atelier du Caire avec pour titre « Figures d’Al-Bostane
». Al-Bostane ou
Zahret Al-Bostane
est un café du centre-ville du Caire. Il est connu pour être
le relais des écrivains, artistes et intellectuels de tous
bords. Chennaoui a capté leurs
visages à des moments différents. Il a même produit un film
qu’il a projeté au moment de l’exposition. Dans le même
esprit, il a présenté les visages d’autres habitués du café.
Evidemment, les serveurs, les cireurs de chaussures et
toutes ces personnes qui vivent dans cet espace cairote très
caractéristique. Enfants de la rue, mendiants, sans-abris,
passants curieux. Et aussi des femmes, intellectuelles et
des artistes ou de simples passantes aguichantes. Une
question alors se pose avec les personnes célèbres. On
cherche à les reconnaître, il est vrai mais finalement,
l’art du portrait est celui qui présente différentes
expressions, sensations. Avec la pérennité de toute
figuration, finalement identifier ou pas ne pose pas
beaucoup de problèmes. C’est tout un univers qui se déploie
et Chennaoui devient en quelque
sorte le créateur de tous ces êtres humains qui s’attablent
dans le café, discutent ou restent silencieux, scrutant les
autres, parfois avec indifférence et d’autres fois avec une
sorte d’agressivité.
A cela s’ajoute une autre dimension : celle de la fuite du
temps. Le même personnage photographié deux fois reflète
l’image de l’homme vieillissant.
Le café Zahret Al-Bostane
date des années 1980. Voisin du café Riche, pas très loin du
bar Stella, du salon d’été Groppi,
il acquiert de plus en plus de renommée chez les
intellectuels habitués au départ au café Riche où se
réunissaient Naguib Mahfouz et les autres écrivains de son
temps. Tout d’un coup, il devient un établissement «
touristique ». Groppi, en
revanche, a cédé son caractère cosmopolite. Il fallait donc
que les intellectuels trouvent d’autres repères et ce fut
donc Zahret Al-Bostane,
alors petit café. Il fut investi et prit son caractère de
lieu de prédilection pour les intellectuels.
Nagui Al-Chennaoui est le fils
du grand poète Maamoun Al-Chennaoui.
Architecte, il est amateur de photographie. Il est tout le
temps en quête des lieux les plus caractéristiques. Il a
réalisé déjà un film sur la rue Al-Moez,
joyau du Caire fatimide, qui regorge de monuments
islamiques. Il n’a pas oublié les habitants et les passants,
qu’il figure en chair et os tout en leur insérant la vie de
l’imaginaire qui sort de sa caméra.
Assis dans la salle d’exposition avec les visiteurs,
Chennaoui a présenté ses deux
recueils de nouvelles qu’il a regroupés dans un seul volume
: Je veux voir la mer et Le matin suivant. Beaucoup de
talents donc chez Chennaoui qui
semble vivre en osmose avec ce monde de l’imaginaire. Il
tente de retenir ce flux de la vie qui s’écoule. La photo
sans doute plus que la littérature le retient. Et la musique
aussi. La projection de son film sur
Zahret Al-Bostane a été
accompagnée d’une célèbre chanson d’Oum
Kalsoum Ansak ya
salam (puis-je t’oublier ?),
très expressive. Pour lui, il s’agit de pérenniser le
souvenir de toutes ces figures du café. Cela veut dire aussi
maintenir ce flot de la vie qui se perpétue .
Ahmed
Loutfi