Festival .
Le 4e Panorama du film européen, qui se tient au Caire
jusqu’au 29 novembre, s’annonce aussi réussi que ses
dernières éditions. Un rendez-vous incontournable pour les
cinéphiles.
Un succès grandissant
Le Panorama du Film Européen entame sa 4e édition. Une
programmation riche de 31 films grand public, de colloques
et d’entrées gratuites. « Pendant ces périodes délicates sur
le plan politique et social, il est essentiel de tenir de
tels événements culturels », estime la productrice et
cinéaste Marianne Khouri, organisatrice du festival parrainé
par la fondation Misr International Films (Youssef Chahine).
Une section spéciale est consacrée, cette année, aux films
relatifs aux révolutions de par le monde.
Le panorama s’ouvre par la projection du film français Les
mains dans l’air en présence de son réalisateur, Romain
Goupil. Une œuvre engagée sur la question des sans-papiers,
huit ans après Une pure coïncidence, un documentaire
militant traitant du même sujet. Les mains dans l’air a
cependant la force d’aborder le sujet sous un angle humain à
travers une histoire d’amitié touchante et mélancolique
entre des enfants.
Entre indifférence et sagesse, ce film adopte d’emblée un
point de vue distancié en débutant en 2067, alors qu’une
vieille dame se souvient des événements qui ont marqué sa
jeunesse soixante ans plus tôt. On plonge alors dans
l’actualité de 2009 et dans le passé de Milana — jouée par
Linda Doudaeva — qui s’éprend de Blaise (Jules Ritmanic), un
garçon de sa classe. Lorsque l’un de leurs camarades,
Youssef, est arrêté par la police et chassé avec sa famille,
Milana et ses proches ont toutes les raisons de se sentir
menacés.
Remplissant, comme souvent, l’attente et les espérances du
public, le panorama projette un autre film français,
Polisse, de la réalisatrice Maïwenn. Après deux premiers
films assez égocentriques, on pouvait se demander si Maïwenn
était capable de mettre en scène autre chose qu’elle-même.
Avec Polisse — faute d’orthographe recherchée commise par un
enfant, elle aborde un sujet puissant sur le plan moral et
social, en prenant pour contexte la BPM (Brigade de
Protection des Mineurs), attrapant à bras-le-corps la
violence faite aux enfants. Malgré un ton proche du drame
télévisé, le résultat à l’écran est stupéfiant et abonde de
réalisme, menant l’actrice-réalisatrice de l’œuvre au Prix
du jury à Cannes en 2010.
Belles images engagées
Tirant sur la corde des révolutions et de la recherche d’un
meilleur avenir, le film iranien The Green Wave (la vague
verte), de Ali Samadi Ahadi, est aussi au programme. Produit
et réalisé en Allemagne, il s’empare d’un thème qui semblait
pour l’instant inabordable : les manifestations de 2009 et
leurs conséquences.
Si des cinéastes iraniens comme Asghar Farhadi se débattent
entre les griffes de la censure, ceux ayant choisi l’exil
n’osent pas pour autant s’attaquer à des revendications
récentes. Nombreux sont ceux qui se réfugient dans un passé
lointain et nous font comprendre que l’exil n’ouvre pas la
porte aux commentaires sur l’actualité. The Green Wave
s’avère un musée d’archives iraniennes. Les documents
rassemblés sur le Net et publiés par les Iraniens, décrivent
des faits politiques ou sociaux rapprochant le film des
nombreux blogs nationaux dans une version non censurée.
Signalons également au programme le film égyptien Tahrir
2011, signé par le trio Tamer Ezzat, Ayten Amin et Amr
Salama, et le film allemand, Videograms of a Revolution
(vidéographies d’une révolution) de Harun Farocki et Andrei
Ujica, évoquant la révolution de 1989 en Roumanie.
Pour sa part, le cinéma belge est présent à travers le film
Le gamin au vélo, des frères Dardenne, chaleureusement
applaudi lors de sa projection cannoise. Une fois de plus,
ce long métrage de Jean-Pierre et Luc Dardenne n’échappe pas
à la règle, présentant des héros enfants et des thématiques
sur l’ordre familial.
Il s’agit cette fois-ci du petit Cyril, 12 ans — campé par
Thomas Doret — qui n’a qu’une idée en tête : retrouver son
père qui l’a placé provisoirement dans un foyer pour
enfants. Il rencontre par hasard Samantha — la belle Cécile
de France — qui tient un salon de coiffure et accepte de
l’accueillir chez elle pendant les week-ends. Mais le gamin
ne voit pas l’amour que Samantha lui porte, cet amour dont
il a pourtant besoin pour apaiser sa colère. Profond et
subtil, le film observe le présent, toujours dans l’idée du
documentaire.
Au menu également, le dernier succès du matador espagnol
Pedro Almodovar, avec Antonio Banderas : La Piel que Habito
(la peau que j’habite). Banderas, qui retrouve enfin le
cinéaste qui l’a révélé au monde dans les années 1980,
incarne ici un célèbre chirurgien esthétique, qui travaille
clandestinement à la création d’une nouvelle peau humaine —
sensible au toucher, mais résistant aux agressions. Pour
perfectionner sa technique, il lui faut un cobaye. Sa
créature aura pour nom Vera (Elena Anaya), une jeune femme
qu’il séquestre.
Maîtrisé de bout en bout avec une extrême froideur,
peut-être recherchée pour désigner le monde scientifique, La
peau que j’habite aborde plusieurs thèmes déjà chers au
cinéaste, dont celui de l’identité humaine et sexuelle. Une
nouvelle vision almodovaresque, digne d’être vue.
Bref, il n’est pas toujours nécessaire d’aller bien loin
pour s’évader ! A travers cette panoplie de films, le
panorama nous invite à voyager aux quatre coins de l’Europe
.
Yasser Moheb