Al-Ahram Hebdo, Visages |Nasser Abdel-Aal
  Président Salah Al-Ghamry
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 16 au 22 août 2006, numéro 623

 

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Visages

Fondateur de la première unité opératoire pour les nouveau-nés et les enfants prématurés dans le monde, le chirurgien Nasser Abdel-Aal est un expert en la matière. Deux récentes interventions visant à séparer les jumeaux l’ont propulsé au devant de la scène.

Salvateur en blouse bleue

Le héros d’un conte de fée ou un homme parmi d’autres. Le médecin se situe quelque part entre l’idéalisme et le réalisme. Dr Nasser Abdel-Aal a choisi de consacrer sa vie à autrui. Et cela n’était pas sans se faire au détriment de sa vie privée. Son bistouri fait office d’une baguette magique, à même de donner espoir aux nouveau-nés à problèmes, notamment ceux provenant d’un accouchement prématuré.

Le chirurgien, une fois célèbre, décide un jour de fermer sa clinique dans la banlieue résidentielle d’Héliopolis, pour se donner entièrement à l’hôpital public pour enfants, Aboul-Rich, situé dans le quartier populaire de Mounira. Un acte héroïque ? Surtout un rêve. Or, la plupart des médecins souhaitent avoir une clinique comme la sienne, compte tenu des salaires modiques des hôpitaux gouvernementaux ... « Aux Etats-Unis, on dit : Even the Doctor has to eat (Même le médecin a besoin de manger) », dit Abdel-Aal dans un anglais parfait, ajoutant comme pour s’expliquer : « Dieu merci, je suis issu d’une famille aisée. J’ai tout ce dont j’ai besoin, alors pourquoi ne pas essayer d’alléger la souffrance des gens ? ».

Son raisonnement dévoile en partie son côté idéaliste. Par contre il affirme : « J’ai essayé d’être réaliste. Je me suis dit que je ne pouvais pas travailler entre la clinique, les hôpitaux privés et l’hôpital d’Aboul-Rich. Et, j’ai senti que les gens appartenant aux classes les plus défavorisées ont besoin de mon aide. Je n’avais pas assez de temps, et donc il fallait renoncer à ma rétribution ». Abdel-Aal ne pouvait plus supporter l’idée que des gens dans le besoin ne trouvent pas les moyens de soigner leurs enfants, compte tenu des frais astronomiques des hôpitaux privés. Il se sentait accablé en entendant dire qu’un père a vendu sa voiture et a emprunté de l’argent à des amis pour que son petit puisse être opéré. « Ma récompense est de voir la satisfaction sur le visage d’une mère à la sortie de son enfant sain et sauf de la salle d’opérations ». Dans cette lignée de pensées, le chirurgien a dû fonder une unité spécialisée en chirurgie des nouveau-nés et des enfants prématurés, au sein de l’hôpital d’Aboul-Rich. Un petit coin idéal où il pourra faire des miracles !

Sa vie se déroule donc ainsi entre salles d’opération et cours universitaires, toujours entouré de ses étudiants et disciples. Dans son bureau à l’hôpital d’Aboul-Rich, un jeune médecin est à la recherche d’un dossier, une autre entre en saluant ... Le regard de tous trahit une certaine complicité, mêlée à beaucoup d’estime et d’amour. Car leur professeur fait plutôt office de père spirituel. Nasser Abdel-Aal fait partie de ces gens qui passent leur énergie aux autres, les aidant à panser leur blessure.

Toujours, au bureau, intervient un père confus, un bébé dans les bras. La porte est toujours ouverte, comme d’habitude ... Le chirurgien arrête la conversation tout court, pour prêter attention au père qui vient d’entrer.

Cet amour pour la médecine est héréditaire, il l’a dans les gènes, étant le fils du pédiatre de renom Ali Abdel-Aal.

En effet, tout a commencé lorsque l’ancien élève des pères jésuites est parti pour les Etats-Unis, après avoir décroché une bourse de distinction. Là-bas, il a accompagné son père dans une visite à une faculté de médecine ... L’amour s’est enraciné dans son cœur. Plus tard, il a choisi de se spécialiser en chirurgie. « Mon professeur, Adel Loutfi, m’a beaucoup encouragé afin de me lancer dans le domaine de la chirurgie des nouveau-nés, à l’époque une spécialisation naissante en Egypte ».

Des recherches en continu, des études en France et en Angleterre, Nasser Abdel-Aal a déployé tous les efforts nécessaires pour acquérir un certain savoir, jusqu’à devenir un expert en la matière. « Tous les parents s’attendent à ce que leurs enfants malades aient le meilleur traitement possible. Il faut que le médecin soit toujours à la hauteur ». Le lexique d’Abdel-Aal ne comporte guère des mots comme vacances, repos ou loisirs. « Je ne peux pas dire qu’un jour de ma vie s’est écoulé sans me pencher sur une recherche ou un livre ... Un chirurgien ne doit jamais arrêter d’étudier. Il doit toujours suivre les derniers exploits, partout dans le monde ». Suivant cette logique, le mot « difficile » n’existe pas non plus pour le chirurgien. Il n’y a pas d’opération dite difficile, néanmoins il y a des complications auxquelles il faut réagir dans l’immédiat. « Dans la salle d’opération, chaque seconde constitue un défi à la mort. On ne peut pas se permettre la moindre hésitation ».

Entre-temps, le chirurgien se rappelle d’un cas très touchant. Une fois, une femme inconnue est venue le voir avec un bébé entre les bras. C’était un enfant qu’elle avait trouvé dans la rue, parmi les miaulements des chats errants. « Les chats se précipitaient sur une chose, puis elle a pu discerner une voix faible : c’était le bébé au ventre déchiqueté, avec les entrailles dehors … J’ai passé des heures dans le bloc opératoire, afin de remettre chaque organe à sa place ». Puis ajoutant, avec un petit sourire : « Aujourd’hui, il a trente ans environ ».

« Sauver » est un hobby. C’est aussi le mot qui oriente toute sa carrière. Il aime avoir ce plaisir de regarder ses patients s’améliorer et se rétablir. Ahmad et Mohamad, les deux jumeaux siamois reliés par le sommet du crâne, c’est un cas rare dont l’histoire a fait le tour du monde. Abdel-Aal a été le chef de l’équipe médicale qui les a séparés. La partie la plus dangereuse de l’opération a été de séparer les parties communes de leurs cerveaux ainsi que les vaisseaux drainant le sang vers les cerveaux. « On a dû partir à Dallas, aux Etats-Unis, où les spécialistes leur ont inventé une table d’opération particulière ainsi que d’autres outils nécessaires ». Abdel-Aal ne peut cacher son contentement suite à la réussite de cette opération. « Le père de ces deux enfants est un modeste gardien d’école dans un village de la Haute-Egypte. Quand on lui a annoncé la réussite de l’opération, il m’a attrapé par le cou, m’a embrassé puis s’est évanoui ... ».

Suite à la réussite de cette opération, la chaîne américaine NBC s’est intéressée au chirurgien et lui a même consacré un documentaire. « On découvre des cas considérés comme très rares qui sont fréquents en Haute-Egypte, telle l’oblitération de l’œsophage ». Pourquoi en Haute-Egypte ? « Je me penche sur la question ces jours-ci. C’est l’objet d’une recherche en cours ».

Hosna et Hosniya, sont deux autres jumelles, cette fois-ci nigériennes. Elles viennent d’être séparées avec succès, grâce à une équipe de 16 chirurgiens, sans compter les anesthésistes et les médecins des soins intensifs. En tête de liste, figure le nom de Nasser Abdel-Aal. « Ces deux ex-jumelles ont été reliées par deux cavités abdominales, ce qui a provoqué une interférence des intestins ainsi que la présence d’un tissu commun pour leur foie », explique-t-il calmement. Et d’ajouter : « Les parents s’étaient rendus aux Etats-Unis et en Allemagne, et les médecins leur ont affirmé que les processus de séparation ne pourront être achevés qu’au cours de 10 mois d’opérations continues. Ils avaient entendu parler de notre unité à travers la société de tourisme curatif MED dépendant du ministère égyptien de la Santé. Nous les avons reçus à l’aéroport, avec une ambulance équipée et nous avons commencé toute de suite l’auscultation ».

Parfois, la voix se teinte de fierté, puis intervient la modestie des grands et un certain calme pesant. « Nous avons pu achever tous les processus de séparation au bout de quelques heures, et elles vont bientôt rentrer chez elles ».

Ses étudiants lui demandent des fois de ne pas accepter de nouveaux cas, faute de places vacantes. Mais pour lui, il n’en est pas question. D’ailleurs, même s’il est à l’étranger, il continue de recevoir coups de fil et demandes. « Comment ne pas aider un enfant à survivre ? », s’insurge-t-il. « Autrefois, beaucoup de nouveau-nés mouraient parce que cette spécialisation et cette unité n’existaient pas. J’ai appris à mes étudiants à maintenir un certain rythme, de manière à être toujours prêts à recevoir d’autres patients ». Les cris des bébés envahissent le bureau. Le médecin se tourne vers l’un de ses étudiants lui demandant s’il a examiné le bébé, entré il y a peu de temps avec son père. Le chirurgien rêve d’installer une unité pareille dans tous les gouvernorats. C’est le rêve de défier la mort, loin de la centralisation et de la métropole .

Lamiaa Al-Sadaty

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Jalons

3 juillet 1949 : Naissance au Caire.

1973 : Diplôme en médecine, de l’Université du Caire.

1977 : Magistère en chirurgie.

1983 : Fellowship à la faculté royale des chirurgiens (Fellowship of Royal College of Surgeries : FRCS).

1984 : Doctorat en chirurgie.

Janvier 2000 : Fondation de la première unité opératoire pour les nouveau-nés et les enfants prématurés dans le monde, à l’hôpital d’Aboul-Rich.

Mars 2003 : Première opération à l’intérieur de l’utérus, hors des Etats-Unis.

 

 




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