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Liban . La
résolution 1701 est entrée en vigueur lundi dernier. Les armes
se sont tues, mais l’incertitude règne toujours.
L’heure de vérité
Ambiguïté
et incertitude. Tels sont les mots d’ordre depuis la mise en
application, lundi matin, de la résolution 1 701 du Conseil de
sécurité de l’Onu, votée vendredi dernier et prévoyant une
cessation des hostilités entre Israël et le Hezbollah. La
résolution a certes mis fin à un mois de guerre dévastatrice, il
n’en demeure pas moins que de nombreux doutes pèsent sur
l’avenir. S’agit-il d’une trêve fragile, ou d’un pas vers un
cessez-le-feu définitif et donc vers un règlement global des
questions en suspens à l’origine de la tension dans cette région
du monde ? Il faudra attendre les semaines à venir pour en juger.
Dans une première étape, la cessation des hostilités sera à
l’épreuve du terrain. Mais à plus long terme, il faudra voir si
toutes les questions en suspens pourront être résolues afin de
garantir un règlement durable.
L’arrêt des combats n’est donc que la
première étape de l’application de la résolution 1 701, fruit
d’un difficile compromis négocié par la France et les Etats-Unis,
qui prévoient une simple cessation des hostilités, et non un
véritable cessez-le-feu. Mais même en ce qui concerne l’arrêt
des combats, Israël a prévenu, en annonçant la fin de son
offensive, qu’il conservait son droit à l’autodéfense, comme l’y
autorise le texte. Des sources militaires ont également annoncé,
lundi, qu’Israël maintiendra son blocus aérien et maritime du
Liban jusqu’à la mise en place d’un mécanisme de contrôle de la
contrebande d’armes.
Dès lors, on se demande ce qu’implique
véritablement la formule choisie par les auteurs de la
résolution 1 701. Elle peut fort bien être comprise par les deux
belligérants, le Hezbollah libanais et l’armée israélienne,
comme un renoncement au bombardement massif, mais non pas à la
défense terrestre de positions acquises.
Ce qui signifie, en quelques sortes, que le
risque de guerre n’a pas totalement disparu. « Toutes les
options sont désormais ouvertes, explique Dr Emad Gad, du Centre
d’Etudes Stratégiques et Politiques (CEPS) d’Al-Ahram. La
situation reste extrêmement risquée, le statu quo actuel peut
durer, comme l’on peut aussi assister à un regain de violence au
Sud-Liban ».
L’Etat libanais face à de nombreux défis
En fait, si la situation est aussi risquée,
c’est en raison de la complexité de plusieurs points de la
résolution concernant le désarmement du Hezbollah et le
déploiement de l’armée libanaise dans le sud, suivis de celui
d’une force de l’Onu en lieu et place des milices du Hezbollah.
Mais ceci ne se fera pas sur un claquement de doigt. Il faudrait
que l’armée libanaise soit en état de remplir ce rôle et que la
force onusienne se montre nettement plus efficace que la Finul
d’aujourd’hui, deux points qui sont loin d’être acquis. Dans
l’immédiat, la Finul planifie un déploiement de troupes
additionnelles. De 2 000, ses effectifs doivent passer à 15 000.
Outre l’Italie et la France, la Finul estime que des contingents
arabes pourraient renforcer une mission élargie à l’humanitaire,
sur une portion du territoire libanais beaucoup plus étendue
qu’actuellement. Selon les observateurs, il faudra environ six
mois pour que les conditions d’application de la résolution 1
701 soient réunies. Beaucoup dépendra en fait de la vitesse avec
laquelle les Israéliens vont se retirer. Certains redoutent un
repli certes rapide mais qui détruirait tout sur son passage.
Cela risquerait d’alimenter la volonté du Hezbollah de continuer
d’en découdre.
En outre, la 1 701 prévoit le désarmement
mais ne mentionne pas les moyens d’y parvenir. Certes, le
Hezbollah, qui n’est pas partie prenante dans la résolution,
s’est rallié à la position libanaise et s’est engagé « à ne pas
faire obstacle aux décisions du gouvernement » et à « cesser
tout acte d’hostilité » une fois l’accord sur un arrêt des
combats entré en vigueur. Cependant, il n’a pas fait mention de
la question du désarmement. Selon certains analystes, le
Hezbollah profitera du vague de la formule pour conserver des
armes au nord du fleuve Litani, limite de l’offensive terrestre
israélienne, et maintenir tout le réseau d’assistance sociale
qui l’enracine dans la population.
Avant même l’entrée en vigueur de la
résolution, la question du désarmement posait problème à
Beyrouth. Le gouvernement libanais a dû ajourner dimanche une
réunion extraordinaire qui devait être consacrée à ce sujet et
au déploiement de l’armée, assistée par le Force Intérimaire des
Nations-Unies au Liban (Finul), au Sud-Liban. « C’est le moment
de vérité et ils ne veulent pas livrer leurs armes. Nous avons
préféré accepter de reporter la réunion pour permettre la
poursuite des consultations », a déclaré un ministre qui a
requis l’anonymat.
« Avec cette résolution, la crise a été
renvoyée à l’intérieur du Liban. La communauté internationale a
fait en sorte de mettre le gouvernement libanais face à ses
responsabilités en lui imposant de désarmer le Hezbollah et de
déployer l’armée, faute de quoi des forces israéliennes
resteront au sud. Or, ça s’annonce mal avec le report de la
réunion ministérielle de dimanche. Tout dépendra en fait de la
position du Hezbollah, s’il accepte ou non de remettre ses armes
à l’armée libanaise. C’est désormais aux Libanais qu’incombe le
sale boulot », explique Emad Gad.
D’autre part, il est difficile de juger de
l’avenir du Hezbollah après cette guerre. La milice n’a pas été
anéantie et son poids politique reste entier. Emad Gad estime
que « sur le plan militaire, on ne peut pas dire qu’il y a un
gagnant et un perdant. Mais sur le plan politique, il est
certain que le Hezbollah est sorti affaibli par cette guerre et
par les clauses de la résolution. Dans la 1 701, il n’a pas été
question directement de l’échange de prisonniers, alors qu’il
était à l’origine de la guerre, et il n’a pas été non plus
question d’un règlement définitif de l’affaire des Fermes de
Chebaa. Même le déploiement des forces internationales est
tributaire de la capacité de l’armée libanaise de contrôler le
sud et de désarmer le Hezbollah. Il s’agit donc d’un gain
israélien ».
Certains observateurs paraissent encore plus
alarmistes craignant que la crise interne libanaise ne dégénère
en guerre civile. Pour le moment, les Libanais partagent la même
colère contre l’agression israélienne. Mais une fois la guerre
finie, les choses risquent de changer, les Libanais n’étant pas
tous tendres pour le Hezbollah. « Peut-être serait-il exagéré
d’évoquer une éventuelle guerre civile au Liban, mais il est sûr
que le risque de crise politique interne aiguë existe réellement,
estime Emad Gad. Il y aura un face à face entre le Hezbollah et
la majorité gouvernementale au Liban. Chacune des deux parties
peut interpréter la 1 701 à sa manière. Et Israël en profitera
comme toujours ».
Abir Taleb |
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La résolution 1701
Appelant à la cessation des hostilités au
Liban et jetant les bases d’un règlement durable du conflit, la
résolution 1701 ne garantit toutefois pas une paix définitive.
En voici des extraits
« Le Conseil de sécurité, (...)
— Lance un appel en faveur d’une cessation
totale des hostilités fondée, en particulier, sur la cessation
immédiate par le Hezbollah de toutes les attaques et la
cessation immédiate par Israël de toutes les offensives
militaires ;
— Dès la cessation totale des hostilités,
demande au gouvernement libanais et à la Finul, (...), de
déployer leurs forces ensemble dans tout le Sud, et demande au
gouvernement israélien, alors que ce déploiement commence, de
retirer en parallèle toutes ses forces du Sud-Liban ;
— Souligne qu’il importe que le gouvernement
libanais étende son autorité à l’ensemble du territoire libanais,
conformément aux dispositions des résolutions 1 559 (2004) et 1
680 (2006), et aux dispositions pertinentes des Accords de Taëf,
afin d’y exercer intégralement sa souveraineté, de sorte
qu’aucune arme ne s’y trouve sans le consentement du
gouvernement libanais et qu’aucune autorité ne s’y exerce autre
que celle du gouvernement libanais ;
— Réaffirme son ferme appui en faveur du
strict respect de la Ligne bleue ;
— Réaffirme également son ferme attachement,
comme il l’a rappelé dans toutes ses résolutions précédentes sur
la question, à l’intégrité territoriale, à la souveraineté et à
l’indépendance politique du Liban à l’intérieur de ses
frontières internationalement reconnues, comme prévu dans
l’Accord général d’armistice israélo-libanais du 23 mars 1949 ;
— Affirme que toutes les parties sont tenues
de veiller à ce que ne soit menée aucune action, contraire au
paragraphe 1, qui pourrait être préjudiciable à la recherche
d’une solution à long terme, à l’accès de l’aide humanitaire aux
populations civiles (...) ;
— Lance un appel à Israël et au Liban pour
qu’ils appuient un cessez-le-feu permanent et une solution à
long terme fondés sur les principes et éléments suivants :
a. Strict respect par les deux parties de la
Ligne bleue ;
b. Adoption d’un dispositif de sécurité qui
empêche la reprise des hostilités, notamment établissement,
entre la Ligne bleue et le Litani, d’une zone d’exclusion de
tous personnels armés, biens et armes autres que ceux déployés
dans la zone par le gouvernement libanais et les forces de la
Finul (...) ;
c. Application intégrale des dispositions
pertinentes des Accords de Taëf et des résolutions 1 559 (2004)
et 1 680 (2006) qui exigent le désarmement de tous les groupes
armés au Liban, afin que, conformément à la décision du
gouvernement libanais du 27 juillet 2006, seul l’Etat libanais
soit autorisé à détenir des armes et à exercer son autorité au
Liban ;
d. Exclusion de toute force étrangère au
Liban sans le consentement du gouvernement libanais ;
e. Exclusion de toute vente ou fourniture
d’armes et de matériels connexes au Liban, sauf celles
autorisées par le gouvernement libanais (...) ;
— Prie le secrétaire général de mettre au
point, en liaison avec les acteurs internationaux clefs et les
parties intéressées, des propositions pour mettre en œuvre les
dispositions pertinentes des Accords de Taëf et des résolutions
1 559 et 1 680, notamment de celles relatives au désarmement, et
pour délimiter les frontières internationales du Liban, en
particulier dans les zones où la frontière est contestée ou
incertaine, y compris en s’occupant de la question des Fermes de
Chebaa, et de les lui présenter dans les 30 jours (...) ;
— Décide de proroger le mandat de la Finul
jusqu’au 31 août 2007, et exprime son intention d’envisager dans
une résolution ultérieure un nouveau renforcement de son mandat
et d’autres mesures visant à contribuer à la mise en œuvre d’un
cessez-le-feu permanent et d’une solution à long terme (...) ;
— Souligne qu’il importe et qu’il est
nécessaire d’instaurer une paix globale, juste et durable au
Moyen-Orient, sur la base de toutes ses résolutions pertinentes,
y compris ses résolutions 242 (1967) du 22 novembre 1967, 338
(1973) du 22 octobre 1973 et 1 515 (2003) du 19 novembre 2003
(...).
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