Al-Ahram Hebdo, Enquête | Expansion sur terrain
  Président Salah Al-Ghamry
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 16 au 22 août 2006, numéro 623

 

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Enquête
Action Sociale. Le nombre des ONG a atteint 19 000 en 2006. L'étendue de leurs activités s'est élargie. Mais leurs idéologies, objectifs, agendas et ressources de financement sont très variés. Dossier.

Expansion sur terrain

Des villages lointains à Minya aux bidonvilles du Caire, la présence des ONG ne passe pas inaperçue. Elles interviennent dans le quotidien des laissés-pour-compte et diminuent de leurs souffrances. Les ONG ont été les premières à aborder les sujets tabous, à ouvrir les dossiers sensibles et à implanter une nouvelle culture de développement. Selon la sociologue Iman Bibars, présidente de l'Association Adew et chercheuse qui a effectué une étude sur la société civile en Egypte, les ONG sont très présentes sur le terrain. Alphabétisation, assistance aux pauvres, amélioration des conditions de la femme, respect des droits de l'homme, assistance juridique, lutte contre le travail des enfants, protection de l'environnement ... La liste est longue.

Selon les statistiques du ministère des Affaires sociales, leur nombre a augmenté au cours de ces dernières années. Alors qu'on comptait près de 5 000 ONG vers 1980, ce chiffre est passé à 19 000 en 2006. L'action sociale s'est développée en Egypte avec le passage de l'économie dirigée vers l'économie de marché. Selon une autre étude effectuée par Moustapha Dessouqi, chercheur au Centre d'économie islamique de l'Université d'Al-Azhar, au Caire, il y aurait une ONG pour 4 000 habitants contre un bureau de service gouvernemental pour 29 000 citoyens.

Alors que ces associations s'occupent de toutes sortes d'actions sociales, chacune a développé sa propre philosophie, son mode de financement, de gestion et ses outils de travail. D'après Bibars, 70 % des ONG opèrent dans le domaine social contre 15 % dans les secteurs caritatifs ou religieux. Seule une minorité de 7 % œuvre dans le domaine du développement et du droit.

« La philosophie de chaque organisation détermine aussi sa vision à l'égard du service offert. Alors que les institutions religieuses considèrent ce service comme une charité, d'autres associations estiment que c'est une obligation sociale, un droit de citoyenneté pour les démunis », explique Iman Bibars. Elle estime qu'il faut tout d'abord faire la distinction entre les associations qui présentent un service et celles qui œuvrent dans le domaine du développement. « Les unes travaillent à combler un vide, comme par exemple le fait de créer des cours d'alphabétisation. Une mission importante et qui a déjà porté ses fruits à long terme. D'autres tentent d'avoir de nouvelles conceptions indispensables à un changement social, comme par exemple l'idée d'ouvrir des ateliers pour la formation de jeunes filles dans les endroits les plus reculés leur permettant ainsi d'améliorer leurs conditions de vie. Ainsi, ces nouvelles idées participent à l'élaboration d'un nouveau système de développement », ajoute Bibars.

Un but commun, des approches différentes

Chaque ONG établit ses propres objectifs. Cependant, certaines appliquent encore de vieilles conceptions et adaptent même les objectifs de l'association à leur agenda personnel. Ainsi, certaines femmes d'affaires sans aucune connaissance des milieux défavorisés « adoptent-elles des conceptions datant du début du siècle, transformant ainsi les ONG en clubs de loisirs pour petits bourgeois », ajoute un sociologue qui a requis l'anonymat.

Il estime que pour ces femmes, de telles missions ne sont qu'un moyen destiné à briller dans les salons et à faire partie de l'élite. Il suffit, selon la même source, de jeter un coup d'œil aux magazines féminins publiant les photos de ces femmes parées de fourrures et de diamants dont les prix pourraient nourrir plusieurs familles. « Comment peuvent-elles ressentir les besoins des couches les plus défavorisées ? », se demande la même source. Heureusement que plusieurs ONG tentent par tous les moyens de se rapprocher des gens pour connaître leurs besoins. Elles emploient tous les moyens pour convaincre. Fardos Al-Bahnassi, militante et membre de différentes ONG, raconte qu'elle a pénétré de nombreux foyers, écouté les femmes et partagé leurs souffrances. C'est à ce prix qu'elle est arrivée à les convaincre. « J'ai dû parfois échanger des recettes étranges avec des femmes et accepter malgré moi certaines superstitions pour ne pas choquer la morale de ces humbles personnes ». Iman Bibars estime que l'action sociale est multiple et peut revêtir plusieurs formes.

« Ces femmes, qui font partie de la bourgeoisie égyptienne, ont au moins de bonnes intentions et tentent à leur tour de combler un vide à travers un service. Au moins elles ne restent pas les bras croisés et rendent visite aux enfants cancéreux, un rôle important que d'autres associations n'ont pas le temps d'accomplir », ajoute-t-elle.

Le casse-tête du financement

La philosophie de chaque ONG et la conception de son œuvre influencent son mode de fonctionnement et ses sources de financement. Ainsi Atef, responsable d'une ONG affiliée à une mosquée, pense que la zakat (l'aumône) et les donations sont les ressources essentielles et au vu du peu de subventions accordées par le ministère des Assurances sociales, elles ne pourraient couvrir toutes les dépenses engendrées par les différents services offerts par la mosquée. Selon les chiffres de la Banque Nasser, les sommes versées pour la zakat dépassent les 200 millions de L.E. par an. Ce chiffre donne une idée du capital des mosquées. Les organisations qui dépendent des églises semblent bénéficier des mêmes avantages.

Mais pour le reste, qui est la grande majorité des ONG, le financement demeure le problème central. Yousriya Fahmi, responsable d'une organisation, affirme que le budget annuel de son association ne dépasse pas les 15 000 L.E. « C'est le cas de 35 % des ONG en Egypte ». Selon Iman Bibars, les Egyptiens ne comprennent pas encore très bien le concept d'aide au développement.

Le manque de moyens dont souffrent beaucoup d'ONG est le résultat des contraintes imposées par la loi no 32. Onsi, président d’une ONG, ne nie pas qu'au cours de ces dernières années, les dons ont augmenté car les ONG et leurs activités ont commencé à faire bon écho auprès de l’opinion publique. « Mais cela ne suffit pas. Les ONG ont beaucoup de charges financières. La plupart de ces organisations ne possèdent pas de locaux et sont obligées d'en louer pour organiser des expositions sans compter les autres activités qui nécessitent d'importantes sommes d’argent », explique-t-il. Ceci pousse les associations à collecter des fonds de l'étranger à condition d'obtenir l'approbation du ministère des Affaires sociales et de la Sûreté de l'Etat. Samia, membre d'une organisation, affirme que l’Etat leur accorde une liberté d'action entière sur le terrain mais, concernant les budgets, il leur est interdit de collecter des fonds étrangers. « Si l'Etat n’a pas les moyens de nous aider, qu'il nous laisse développer nos activités grâce aux dons étrangers », explique-t-elle. Bibars estime que pour prouver sa transparence, une ONG doit se développer et installer ses antennes un peu partout. « Ce n'est pas logique que celle-ci reçoive des dons sans élargir ses activités », confie-t-elle.

Sur le plan local, côté hommes d'affaires, seule pour l'instant la Fondation Sawirès a versé 50 millions de L.E. à une cinquantaine d'ONG. D'autres hommes d'affaires sont entrés dans l'action civile mais en créant leur propre ONG, comme celle d'Aboul-Einein, de Farid Khamis et la Fondation Nosseir, etc. Est-ce un phénomène de mode dans les cercles d'affaires égyptiens ? Ou plutôt une application à la lettre des exigences de l'Europe en matière de rôle social imposé à toutes les entreprises dans le but de réduire les conséquences néfastes du marché libre.

De tout ce magma s'est dégagée une nouvelle manière de gérer les associations et de garantir son financement. L'ONG Care With Love, qui présente un service médical aux personnes âgées à domicile, gère son travail en se basant sur un esprit de business. Elle forme d'abord de jeunes chômeurs qui offriront ensuite leur service aux personnes âgées des classes moyennes, en contrepartie d'un sversé par ces dernières. L'association joue donc le rôle d'intermédiaire. « Et si ce genre de service revient cher pour certaines familles, c'est bien pour garantir la réussite et la continuité de notre projet », conclut Magda Iskander, responsable à Care With Love .

Chahinaz Gheith et Dina Darwich

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A propos de la créativité sociale

La Créativité sociale, tel était le thème de la dernière conférence tenue par l'institution Ashoka qui parraine à titre individuel les acteurs ou les entrepreneurs sociaux, la semaine dernière à la station balnéaire d'Al-Aïn Al-Sokhna. Cette conférence, qui a réuni une vingtaine de journalistes, avait pour but de semer la culture de la créativité dans le domaine social. Selon Iman Bibars, présidente de l'institution, l'objectif est de créer un langage commun entre les journalistes et de trouver une nouvelle définition à l'entrepreneur social, une conception nouvelle en Egypte. L'entrepreneur social est une personne singulière, éprise par une cause, elle tente de la résoudre à travers une nouvelle méthode créative répondant aux conditions de sa société. Une personne qui doit posséder des talents de créativité, aimant le goût de l'aventure et qui ne doit pas baisser les bras en cas de difficulté. Le nombre des entrepreneurs sociaux reste très limité. Il ne dépasse pas le 1 pour chaque 10 millions de personnes. Aussi rares sont les entrepreneurs sociaux qui ont marqué leur époque. Talaat Harb, fondateur de la première banque égyptienne, Réfaa Al-Tahtawi, guide du mouvement de la traduction en Egypte, Qassem Amin, défenseur des droits de la femme, sont des exemples. En effet, l'entrepreneur social adopte une cause qui le préoccupera toute sa vie. Il essaie de provoquer un bouleversement social en développant une nouvelle culture qui à long terme porte ses fruits. Son expérience pourrait être un exemple à suivre partout. Cependant, il ne faut pas considérer tous ceux qui travaillent dans le domaine social comme étant des entrepreneurs sociaux. Car certains ont seulement une liste de projets temporaires. Leur agenda varie selon les besoins et les conditions des milieux dans lesquels ils offrent leurs services. La particularité de l'entrepreneur social est qu'il défend toujours la même cause.

D'après Ashoka, qui parraine aujourd'hui environ 18 entrepreneurs sociaux, il faut cinq critères pour le choix de ces derniers : nouvelles idées, talents de créativité, influence sociale, éthique et surtout ténacité. Ashoka est aujourd'hui en quête d'entrepreneurs sociaux. Possédant un réseau de contact avec les différentes ONG, le ministère des Affaires sociales, l'Onu, etc. et d'autres organisations concernées, Ashoka ne cesse de recevoir des propositions pour choisir les entrepreneurs sociaux qui seront ses Fellows (collaborateurs) et à qui elle accordera une aide pour qu'ils puissent se vouer à une cause. Des réunions sont tenues tous les six mois pour choisir de nouveaux entrepreneurs sociaux et étudier avec eux les idées proposées. Un comité est chargé d'évaluer si ces candidats répondent aux cinq critères. Une fois choisie, la personne bénéficie d'une aide financière pendant un et trois ans, selon son projet. Bibars cite l'exemple d'un de ces entrepreneurs sociaux. Tamer Bahaa, un sourd-muet, qui lutte pour une cause, celle de tous les sourds-muets en Egypte. Il a découvert qu'il n'existait pas un langage commun entre les sourds-muets en Egypte dont la plupart sont analphabètes, bien qu'ils aient suivi des études préparatoireseulema constaté que dans les écoles publiques, on ne fait pas la différence entre sourds-muets et muets. Résultat, trois seulement des sourds-muets ont réussi à terminer leurs études universitaires, dont deux qui avaient les moyens de le faire à l'étranger. Avec les dons qu'il a collectés des sourds-muets, il a réussi à rassembler 8 000 L.E. pour avoir un local. La condition essentielle étant de déclarer son ONG qui défendra les droits des sourds-muets. A travers les réunions qu'il tenait dans les cafés, il a pu préparer des cours pour sourds-muets. De plus, il a monté un autre projet dont l'objectif est de créer un langage commun aux sourds-muets. Pour Beibars, Tamer est un bel exemple de l'entrepreneur social. « Malgré les difficultés rencontrées, il n'a jamais perdu espoir et a déployé de gros efforts pour changer la situation de ces laissés-pour-compte. Notre but est donc de jeter la lumière sur ces personnes, de présenter leurs expériences humaines afin qu'elles deviennent un exemple à suivre pour la jeunesse », conclut Bibars.

Ch. Gh. et D. D.

 




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