C’est
ce 20 août que les Congolais connaîtront les résultats des
présidentielles du 30 juillet dernier. Mais ce n’est que le 31
août que la Cour suprême de justice doit les proclamer, après
examen d’éventuels contentieux. Pas de surprise attendue
cependant. Le chef de l’Etat sortant, Joseph Kabila, est
toujours en tête, devant le vice-président Jean-Pierre Bemba,
selon des derniers résultats partiels affichés samedi dernier et
portant sur près de 20 % des inscrits. Selon les chiffres,
Kabila obtient 55 % des suffrages exprimés, loin devant son
principal adversaire M. Bemba, un ex-rebelle, qui en obtient
17,8 %.
L’annonce des résultats s’avère extrêmement
lente, et la population congolaise s’impatiente pour connaître
l’issue de ces élections historiques.
La Mission de l’Onu en RDC (Monuc), qui
dispose de 17 600 Casques bleus dans le pays, a expliqué que la
proclamation des résultats prenait « autant de temps » en raison
notamment de « l’étendue du territoire », de « l’absence
d’infrastructures », du comptage « manuel » et de « l’incivisme
de certains agents ».
Cependant, les résultats provisoires de ces
élections jugées historiques — il s’agit des premiers scrutins
libres et démocratiques en plus de quarante ans dans l’ex-Zaïre
—, ne prêtent pas à l’optimisme. Ils prouvent surtout que le
pays est coupé en deux : l’Est a choisi jusqu’à présent
massivement M. Kabila, l’ouest a voté M. Bemba, originaire de
cette région. Ce qui signifie des divisions régionales et
ethniques dont les conséquences peuvent être fâcheuses. Il reste
aussi à connaître les résultats du vote crucial de la capitale
Kinshasa, où la majorité des habitants préfèrent Bemba, et de
plusieurs grandes villes (régions où le président a jusqu’à
présent obtenu des scores de l’ordre de 80 %) ne sont toujours
pas connus non plus. « Mais il paraît difficile que Bemba passe
désormais devant Kabila (au premier tour), car il reste de gros
réservoirs de voix pour Kabila », a jugé un diplomate. Pour être
élu dès le premier tour, un candidat doit obtenir la majorité
absolue des suffrages exprimés. Si aucun des 32 candidats
n’arrive à franchir cette barre, un second tour sera organisé le
29 octobre.
Tout comme l’arrivée en tête de Kabila n’est
pas une surprise, les dénonciations de fraudes ne le sont pas
non plus. Quinze candidats à la présidence de la République ont,
dans une déclaration politique, dénoncé des fraudes massives au
point de mettre en doute la validité du scrutin. Cependant, les
observateurs internationaux, qui ont effectivement relevé des
irrégularités dans les scrutins présidentiel et législatif, ont
estimé que les scrutins on été « globalement satisfaisants »,
malgré des tentatives « isolées » pour acheter des voix ou
intimider des électeurs, d’après les chiffres de la Mission des
Nations-Unies au Congo (Monuc). Quant à l’Union européenne, elle
a déploré « certaines défaillances » dans la récolte des
chiffres, et un observateur, qui a requis l’anonymat, a affirmé
que la compilation « n’allait pas du tout » à Kinshasa. Des plis,
qui contiennent les résultats des bureaux de vote, arrivent
déchirés aux centres de compilation, après avoir été malmenés
pendant le transport. Les agents de la Commission Electorale
Indépendante (CEI) doivent alors tenter de reconstituer les plis
au milieu de montagnes de documents, ce qui augmente
considérablement les risques d’erreurs ou de fraude.
Mais si la mission du dépouillage est
difficile dans un pays pauvre et dénué d’infrastructures, tel
que la RDC, le plus dur sera sans doute l’après-élection. Selon
les observateurs, la situation risque d’exploser à tout moment à
nouveau en RDC, un pays qui sort difficilement de cinq années de
guerre (1998-2003) qui ont fait plus de trois millions de morts
directement ou indirectement (famine, maladies, violences, etc.)
et où la situation reste encore très volatile, notamment dans
l’Est.
« Il est vrai que Kabila est largement favori,
estime le Dr Helmi Chaarawi, analyste au Centre des études
africaines. Il est le seul à avoir présenté un véritable
programme électoral. Cependant, le pays reste menacé par la
reprise des violences. S’il n’y a pas de second tour, il y a le
risque d’une flambée de violence de la part des partisans des
perdants. Et là, tout peut encore dégénérer ».
Maha Salem