Un jeu d'espace
et de temps est créé par l'artiste français Gilbert Cosset
qui lie la peinture à des éléments « faciles à
trouver » et cela dans une relation secrète et
intime à la fois. L'artiste cherche à transformer la matière
dans son rapport avec l'espace.
Ses œuvres
exposées à Machrabiya sont le fruit de trois périodes
de la vie du peintre. Tout d'abord son voyage en Egypte
en 1988, son retour à Marseille en 1989 puis son passage
par l'Egypte en mars 2002.
Aperçu de
ses voyages en Egypte, une série d'œuvres en boîtes de
cigarettes (espace) dépliées amalgament à la fois l'odeur
du passé et celle de la modernité (temps). L'odeur du
passé, c'est celle du temps pharaonique qui émane de ces
boîtes de cigarettes sur lesquelles sont mentionnées le
nom et la figure de Cléopâtre et d'où se dégage « le
parfum de l'Orient ». Cléopâtre est écrite en
arabe. Cosset, en préservant ce nom sur le paquet, rend
l'équilibre dans son dessin entre écriture et peinture.
Et la modernité ? Celle-ci réside dans le fait de
lier la matière (boîtes ou autres), qui n'est que des
trouvailles sélectionnées ici et là, à la peinture qui
ajoute un aspect moderne à l'œuvre. « Le pouvoir
de la peinture réside dans le fait de lier les choses
entre elles. La peinture n'a pas besoin réellement du
peintre pour exister ». Obsédé par l'esprit des
objets, par l'énergie qu'ils lui transmettent, il réduit
ainsi le rôle de l'artiste à un simple assembleur.
De retour
à Marseille, un an après son séjour en Egypte, en 1989,
le parfum de l'Orient continue à le hanter. Il se met
à créer des reproductions en peinture d'éléments du quotidien :
cartons, journaux et affiches publicitaires, comme « Parfums
Corona d'Orient ». Cosset profite de cette
affiche publicitaire aperçue à Marseille et change le
slogan de cette marque de parfum. Car le but de l'artiste
n'est pas de laisser la publicité telle qu'elle, mais
de la faire réagir dans un jeu d'espace avec le temps.
« Cette marque de parfum existe en réalité, mais
on doit lui accorder le pouvoir, la liberté et la possibilité
de s'ouvrir de nouveau », affirme l'artiste.
Réinséré dans le tableau, ce bout d'affiche prend une
signification nouvelle.
Son expérience
avec sa série de journaux accomplie à Marseille était
la plus pénible, car c'était au moment de la guerre en
Bosnie. « Plus je lisais les journaux, plus je
me sentais paralysé, mais j'avais envie de réagir ».
Dans un contraste d'espace de toute une page du journal
Le Monde, c'est le pessimisme de Freud, une
partie d'une phrase qui n'est pas conçue dans la
séquence de la page du journal, qui incite Cosset à réagir.
Cette phrase qui fait partie d'un long article est mise
en relief et éclairée grâce à un fond de couleur noire,
d'où le rôle de la peinture qui fait le lien avec l'écriture.
A son retour
en Egypte en 2002, Cosset s'est intéressé au travail en
série, une manière de restituer l'idée de l'évolution
ou de la transformation de la matière dans un temps donné.
De cette expérience émane la série des polaroïds. Une
caméra polaroïd à la main, Cosset capte l'instant. « Ce
qui m'intéresse dans les polaroïds, c'est le fait de restituer
l'instant. La chimie des polaroïds, des couleurs chaudes
et froides qui surgissent à la minute me fascine. Les
polaroïds m'offrent l'occasion de capter le mouvement
qui ressort immédiatement de la caméra. C'est très beau
de transformer l'immédiat ».
Ces polaroïds
sont classés dans un ordre imposé par l'artiste, mais
le récepteur est invité à rompre cet ordre et choisir
celui qui lui convient davantage, selon sa propre vision
et son intuition par rapport à la matière. Cosset convoque
son récepteur à un jeu de temps et d'espace. « C'est
l'expression d'un moment particulier dans une relation
particulière à un espace particulier ».